
Très récemment, la silhouette d’une de mes sœurs a énormément changée et elle a dû changer une partie de sa garde-robe. Je pensais que cette expérience serait une partie de plaisir … ce fut un chemin de croix : les plus beaux vêtements sont proposés en taille 0 ( ????) à 38. Vous pouvez trouver un 44/46 chez une enseigne, mais ce ne sera pas forcément le modèle qi vous intéresse. Et après le 48, c’est Terra Incognita. Grandes Tailles ? Connait pas !
Pour lui remonter le moral, je me suis mise en tête de lui coudre une belle robe grâce à un patron de couture Grande Taille. Et là… grande surprise : l’offre de patrons de couture Grandes Tailles est à peine plus intéressante que l’offre Grandes Tailles du prêt-à-porter.
Si toutes ces marques se vantent de proposer des patrons Grandes Tailles, pourquoi y-a-il si peu de choix quand votre tour de hanches est au-delà de 120cm ?
Il y a ronde et ronde …
En matière de vêtements, où commence la “grande taille” ?
Réponse : il n’y a pas de règle stricte. Cependant, il est généralement admis dans l’industrie de la mode que la grande taille débute au 44/46.
Néanmoins, on a vu certaines marques, comme ASOS en 2016, légender d’un « plus size» la photo Instagram d’un mannequin taille 42 (Naomi Shimada).

En 2014, Calvin Klein fait appel à un mannequin taille 40 présenté à la presse comme « plus size » pour la campagne de publicité du lancement de sa collection “Perfectly Fit”.

Dernier exemple, depuis 2014, Violeta by Mango propose une collection spéciale rondes qui commence à la taille 40.

Alors 40, 42, 44, 46 ? En pratique, les marques placent le curseur où bon leur semble et leur choix est avant tout motivé par l’image de la cliente type qu’elles souhaitent projeter.

Abercrombie & Fitch est la marque qui a le plus ouvertement et radicalement déployé cette logique.
La marque branchée de vêtements BCBG a d’abord créée une taille XXXS, soit l’équivalent d’un 28 (qui correspond au tour de taille d’une fillette de 8 ans !), avant de finalement décider de ne plus commercialiser de vêtements pour femme au-delà de la taille 40.
Explication du PDG dans une interview au site Salon :
« Dans chaque école, il y a les enfants cool et populaires, et puis il y a les enfants pas tellement cool. En toute honnêteté, nous nous adressons aux enfants cool »,
Et il concluait, droit dans ses bottes :
« Beaucoup de gens ne correspondent pas à nos vêtements, et ne le peuvent pas. Est-ce que nous faisons de l’exclusion ? Absolument ».
Rassurez-vous, les multiples controverses suscitées par ces décisions ont finalement nuit à l’image de marque d’A&F et à ses ventes. La marque a alors revu sa position et annoncé en fanfare le retour des Grandes Tailles, c’est-à-dire 40 à 44.

Une question de coût ?
Après le positionnement et l’image de marque, le coût est le deuxième critère qui détermine le seuil au-delà duquel une marque va se considérer en grande taille.
En effet, jusqu’à la taille 46, les grandes marques de prêt-à-porter sont capables de décliner chaque taille en utilisant le même patron. Au-delà de la taille 46, il leur faudrait normalement investir dans le développement de nouveaux patrons et utiliser des mannequins cabines différents pour la mise au point du prototype.
Par ailleurs, plus une personne est ronde, plus il est difficile de standardiser la coupe du vêtement, car selon les individus, les rondeurs peuvent se situer à des endroits différents (poitrine, cuisses, ventre, fessier …). Quand on voit que les marques de vêtements n’arrivent déjà pas à se mettre d’accord sur ce qu’est un 40, on imagine le reste.

Idéalement, il ne suffit pas d’agrandir un patron pour obtenir une Grande Taille. Il faut soulever la poitrine, pour la définir, rehausser la taille pour la mettre en valeur et allonger la silhouette, dégager les épaules ….
Au coût de conception s’ajoute des coûts supplémentaires en tissus ainsi que ceux liés à la gestion des stocks de tailles supplémentaires dans les magasins. Car s’il n’existe que 5 tailles du 34 au 42, il en existe 12 du 44 au 68.
Tout cela coûte de l’argent et les volumes vendus seront moindres que ceux des tailles 36/38/40. Car la grande contradiction des tailles est que la majorité des femmes ont des mensurations différentes de celles promues par les marques. 60% des femmes font un 42 et plus mais la plupart des marques s’arrêtent au 40/42, ignorant donc la vaste majorité des françaises (source IFTH).
Comment expliquer ce paradoxe ? Le peu d’appétence des femmes faisant un 44 et plus pour le shopping qui réduit les ventes ? L’effet répulsif présumé d’une Grande Taille sur les shoppeuses « normales » qui empêche l’identification ?
La tentation est alors pour certaines marques de mode de se positionner sur le lucratif marché des grandes tailles en proposant essentiellement des vêtements “camouflages” qui nécessitent peu de développement ou de se déclarer inclusive en promouvant des tailles 44.

Au final, comme le résume très bien la rédaction du site Ma Grande Taille, “Pour l’industriel, la mode Grandes Tailles, c’est donc tout ce qui va l’obliger à concevoir autrement, à fabriquer autrement, à faire de plus petites quantités et donc des bénéfices moins importants, ou à augmenter ses prix pour conserver sa marge, c’est-à-dire à sortir de sa zone de confort”.
A bas les étiquettes ?
Pour certains, on devrait tout simplement supprimer le terme “Grande Taille” car dans une société obsédée par la minceur, le terme divise et instaure une hiérarchie entre les femmes aux formes “normales” qui font du 38 ou moins et les femmes aux formes “anormales” qui nécessitent une “prise en charge” spécifique.

Après tout, comme l’a dit Catherine Lemoine, rédactrice en Chef du site Ma Grande Taille, “d’un côté, on ne parle pas de « maquillage grande taille », ni de « coiffure grande taille », etc. Les vêtements sont des vêtements, la mode est la mode quelle que soit la morphologie de celui ou celle qui la porte. On peut donc se demander pourquoi on continue à parler de mode « grande taille », ce qui est effectivement assez stigmatisant”.
C’est pour cette raison que l’Australienne Stefania Ferrario a initié le mouvement #DropThePlus – traduisez « laissez tomber le ‘Grande Taille' ». Cette mannequin taille 40 pense que l’étiquette « grande taille » renforce l’idée que seules les femmes maigres ont une taille normale.

Et c’est vrai. Comme tous les groupes sur lequel pèse une étiquette.
Le label « Grande Taille » défini par défaut une norme, celle des « sans étiquettes » à laquelle n’appartient pas la personne définie par Grande Taille.
Comme toutes les étiquettes, il viendra peut-être un jour où celle-ci deviendra inutile. Vous pourrez entrez dans n’importe quel magasin avec votre tour de hanches de 150cm et trouver en rayon un pantalon taille 52 sans que cela ne fasse partie d’une « Collection Spéciale » ou d’une « Campagne d’inclusivité ».
En attendant, quand on sait qu’un 36 aurait 2 à 3 fois plus de choix de vêtements qu’un 44, faire du shopping quand on est ronde est souvent démoralisant. Alors il peut être réconfortant de trouver un rayon estampillé “Grande Taille” dans lequel on pourra choisir ce que l’on veut sans être frustrée parce que le vêtement que l’on voulait essayer s’arrête au 42.
Encore faut-il que ce rayon vous propose de vraies grandes tailles et non de grands 40. Chez united Patterns, nous avons choisi d’indiquer comme patrons de couture Grande Taille les modèles disponibles au delà du 46.